Parsemés sur la lande, à l'écart du bourg, les maisons d'Ouessant se détachent entre ciel et mer, témoins de la vie passée et présente de l'île.
Nulle part ailleurs, le temps ne s'est écoulé de la même façon. Des hommes et des femmes fiers et courageux ont modelé ces maisons, jour après jour, année après année, s'y sont aimés, y ont laissé leur empreinte.
Les saisons ont succédé aux saisons ; la bruyère a refleuri chaque été jetant des tâches de lumière sur la lande pale ; les embellies ont succédé aux embruns, les mortes-eaux aux coups de vent, le soleil généreux aux brumes tenaces.
Parfois, comme repliées sur elles-mêmes, elles cachent la détresse d'un passé douloureux. Veuves éplorées, elles ont connu le déchirement d'un bateau qui se brise sur les écueils en pleine tempête ou la douleur d'un marin perdu en mer.
Et puis, de plus en plus, à la belle saison, leurs vitres résonnent du bruit d'envahisseurs venus du continent, débarquant frileux au petit matin, désertant le port avant le soleil couchant.
A ce moment là seulement, dans cette lumière du soir un peu irréelle des jours de beau temps, la véritable vie reprend ses droits : bercement sans fin de la houle, appels lointains puis plus proches des goélands, odeur légèrement saline.
Et moi, qui après tout n'ai été que l'un de ces touristes, je ne peux cependant m'empêcher de garder le souvenir fidèle de cette île, un peu comme dans un rêve d'enfant, avec ces maisons, qui malgré les coups de boutoir du vent, des tempêtes et des hommes, se jouent du temps et resteront longtemps encore, j'espère, ces témoins d'une vie différente de la mienne.