Praha, la ville de toutes les cultures, mais aussi de toutes les oppressions qui ont muselées ces cultures dans le feu ou le sang. Rappelons nous, il n'y a guère qu'une quarantaine d'années, le 21 août 1968, les chars du Pacte de Varsovie envahissaient les rues de Prague et défilaient dans Vaklavska Namiesti. Quelques mois plus tard, l'étudiant Jan Palace s'immolait par le feu sur la même avenue en protestation contre la normalisation après les espoirs déçus du Printemps de Prague.
Mais cette cité des lumières savait-elle les périls qu'elle encourait, en voulant exorciser le passé par une révolution originale en douceur, la Révolution de Velours de novembre 1989 ? De nouveaux maîtres écrasent maintenant la ville : ils s'appellent investissements, profits, marché du sexe, banalisation touristique et boutiques à tout va, sous le poids de nouvelles armées dévoreuses de souvenirs et pas toujours soucieuse de découvrir l'âme d'un peuple et d'une ville.
Les Pragois ont toujours projeté dans l'imaginaire leurs angoisses liées au silence forcé et à l'oppression. Ils ont ainsi, dans les circonstances difficiles, préservé leur personnalité. Mais sorcières, fantômes et fantasmes exorcisateurs qui hantent l'esprit des hommes et des rues de Praha, vont-ils encore une fois sauver ce peuple rêveur ou bien se laisser piétiner définitivement sous les pas normalisateurs, de nouvelles hordes, celles de la société de consommation du 3ème millénaire ?
Praha, Patrimoine de l'UNESCO, saura-t-elle conserver et faire évoluer en même temps sa culture originale symbolisée par les légendes qui hantent les murs de la ville et le Pont Charles : la légende slave de Libusé, fondatrice de la cité, celle du Gollem empreinte de l'esprit juif ou celle de Faust qui pourrait bien emporter Prague avec lui aux enfers. La patrie de F. Kafka, cet auteur de cultures brassées, germanique par son réalisme, slave par son imaginaire, juif par sa civilisation d'origine, saura-t-elle opérer une nouvelle métamorphose qui ne se terminerait pas de façon aussi tragique et pessimiste que la célèbre oeuvre de l'auteur ?
Hommes et femmes du monde, soyez curieux, venez nous découvrir, mais laissez-nous encore rêver et imaginer, dit l'âme de cette cité et de son peuple.